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L'adaptation des logements publics à la composition des ménages

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 151 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/12/2022
    • de DELPORTE Valérie
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    La Ligue des Familles a publié une étude « Politique du logement : comment certaines familles sont laissées pour compte ».

    Certains parents séparés qui ont leurs enfants en garde alternée n'ont pas droit à un logement social ou à certaines aides, car leurs enfants ne sont pas considérés comme à leur charge.

    Le plafonnement du nombre d'enfants à charge empêche des familles nombreuses d'être correctement soutenues.

    L'obligation d'occuper les logements pendant plusieurs années après l'achat met en difficulté des couples qui se séparent ou recomposent leur famille, mais aussi en cas de naissance/adoption, ou décès.

    La DPR indique que « Les conditions d'attribution des logements seront adaptées afin de mieux tenir compte de l'évolution des revenus ou de la composition familiale, luttant contre la sous-occupation des logements. »

    Une mission d'évaluation du système d'attribution des logements publics a été confiée au CEHD.

    Les conclusions font apparaître notamment que la file d'attente pour l'attribution d'un logement public s'allonge pour certains publics en raison de l'inadéquation de la structure du parc immobilier (manque de logements 1 chambre et de 4 chambres et +).

    Comment Monsieur le Ministre a-t-il pris en compte les résultats de l'évaluation du système d'attribution des logements publics faite par le CEHD ?

    Les attributions de subsides aux SLSP tiennent-elles compte des objectifs d'adéquation de l'offre de logements à la taille des ménages demandeurs ?

    Quelles réponses a-t-il apportées aux demandes de la Ligue des Familles, notamment :
    - de prendre en compte des accords amiables entre parents séparés ainsi que de tous les enfants hébergés au minimum à 25 % du temps chez l'un des parents comme enfant à charge ;
    - de prévoir dans la législation que la durée minimale de résidence ne s'applique pas en cas de changement familial quand le logement n'est plus adapté ;
    - d'ouvrir un débat sur les critères de surpeuplement ?
  • Réponse du 13/01/2023
    • de COLLIGNON Christophe
    C’est avec le plus grand intérêt que j’ai pris connaissance de l’étude de la Ligue de famille faisant état de l’enjeu qu’est l’accès au logement pour les ménages monoparentaux et les familles nombreuses.

    Ma réponse est orientée sous trois axes distincts. À savoir, le premier sous l’angle du FLW, le second sous celui du CEHD et le dernier sous celui de la SWL.

    Tout d’abord, comme l’honorable membre le sait, le Fonds du Logement est spécifiquement compétent pour accorder des crédits hypothécaires aux familles nombreuses, c’est-à-dire aux familles qui comptent trois enfants à charge.

    La prise en considération des familles monoparentales constitue une préoccupation majeure du Fonds. Dans le cadre de sa politique d’octroi des crédits, plus d’un tiers de ceux-ci sont accordés à des familles monoparentales ; c’est dire l’importance de cette politique à l’égard d’un public fragilisé par nature.

    La notion d’enfants à charge a évolué au fil du temps. À l’origine, elle visait les enfants domiciliés avec le demandeur et pour lesquels celui-ci percevait des allocations familiales.

    Au fil du temps et de l’évolution des modèles familiaux, le Fonds a progressivement élargi son cadre d’intervention pour aujourd’hui tenir compte des situations de garde alternée et d’hébergement partagé. Il suffit, pour que cet enfant soit considéré comme à charge du demandeur :
    • qu’un lien de filiation existe entre l’enfant et le demandeur ;
    • que des allocations familiales soient versées pour cet enfant (pas forcément au demandeur) ;
    • et que l’enfant soit amené à résider à un moment donné (et donc pas forcément à concurrence d’un certain % de temps) dans l’immeuble objet du crédit (en vertu d’une décision judiciaire, d’une convention notariée ou d’un accord conclu devant un médiateur familial).

    Cette extension de la notion d’enfant à charge permet d’englober aujourd’hui une très grande majorité de situations. Par ailleurs, soucieux d’être à l’écoute des familles et des situations particulières qu’elles rencontrent, le Fonds est toujours prêt à examiner ces situations auxquelles ces familles sont confrontées.

    Il en va de même si la séparation intervient une fois que le crédit a été accordé. Je me permets d’abord de préciser le caractère relatif de

    l’obligation d’occuper le bien durant la vie du crédit. Cette obligation ne tient en effet que dans la mesure où les parties prenantes maintiennent leur projet de vie en commun. Si l’un des emprunteurs décide de quitter le logement, le Fonds n’a évidemment pas à s’y opposer. Au contraire, il se tient au côté des familles pour tenter de dégager une solution de nature à garantir un toit pour les enfants.

    Dans le cadre du règlement du sort de l’immeuble à la suite d’une séparation (vente/rachat par l’un des deux emprunteurs), le Fonds veille à dégager des solutions en phase avec les attentes des emprunteurs tout en tenant compte des dispositions du Code de Droit économique relativement à la capacité financière d’un emprunteur à assumer seul la charge du crédit initial voire d’un nouveau crédit complémentaire si d’aventure une soulte devait être payée.

    J’attire encore l’attention sur le fait que la séparation est sans impact sur le taux, souvent très intéressant, du crédit initialement consenti.

    Bien que les crédits que le Fonds octroie aux familles nombreuses représentent une aide substantielle en matière d’accès à un logement décent, certaines d’entre elles ne peuvent acquérir leur habitation en raison de ressources financières trop faibles.

    Conscient que cette discrimination touche surtout les familles nombreuses en état de précarité, le Fonds du Logement développe son propre parc locatif depuis plus de 40 ans. Il acquiert des immeubles situés dans des quartiers urbains ou au cœur des villages, qu’il transforme ensuite en logements comptant pour la plupart 3 à 5 ou 6 chambres. Les logements proposés à la location sont donc parfaitement adaptés pour des familles nombreuses et les loyers tiennent compte des capacités contributives des locataires.

    Ces logements sont accessibles aux ménages qui ne sont pas propriétaires d’un logement, dont les revenus ne dépassent pas les catégories 1 et 2 au sens du Code de l’Habitation durable et qui ont au moins 3 enfants à charge. Les critères d’accès tiennent compte des couples séparés et des familles recomposées puisque la garde alternée est prise en compte pour l’attribution d’un logement.

    Le parc est actuellement composé de 1 300 logements dont la moitié est confiée en gestion à un partenaire local (AIS, APL, CPAS ou Administration communale) et la seconde est gérée en direct par les services du Fonds. Dans tous les cas, les locataires bénéficient d’un accompagnement social qui vise la stabilité dans le logement voire l’acquisition de leur habitation quand l’évolution de leur situation le permet. Dans ce cas, le logement locatif du Fonds est une passerelle vers l’acquisitif.

    Convaincu de la nécessité de soutenir ses programmes d’investissement immobilier, j’ai obtenu que soit attribuée au Fonds, une enveloppe annuelle destinée à contribuer au financement de logements locatifs pour les familles nombreuses. Ainsi, depuis le début de la législature, ce n’est pas moins de 160 logements supplémentaires qui complètent ou complèteront bientôt le parc existant.

    La Région soutient également un autre dispositif géré par le Fonds depuis plus de 10 ans, lequel participe activement à la politique de mobilisation du patrimoine privé. Concrètement, le Fonds accorde une aide au propriétaire qui entreprend la rénovation de logements pour les confier après travaux en gestion à une AIS ou une APL. Cette aide d’un montant de base de 68 300 euros par logement - lequel peut être augmenté de 30 200 euros pour financer des travaux économiseurs d’énergie -, prend la forme combinée d’une subvention et d’un prêt à taux 0 %. Le dispositif favorise de façon très concrète la création de logements de 3 chambres et plus : les logements familiaux bénéficient d’une aide non remboursable équivalente à 75 % du montant de base et d’un prêt pour les 25 % restants. Quand il s’agit de petits logements, la logique est inversée avec 25 % d’aide non remboursable et 75 % sous forme de prêt. Cette mécanique constitue un réel incitant pour la création de logements d’utilité publique de 3 chambres et plus. À ce jour, plus de 900 logements ont pu ainsi être mobilisés pour la location.

    L’action du Fonds est très importante pour répondre aux besoins des familles nombreuses notamment, mais elle ne peut suffire à elle seule et les logements gérés par les sociétés de logements de service public jouent également un rôle fondamental.

    Concernant l’évaluation réalisée par le CEHD, cette dernière a mis en évidence que le délai d’attente avant attribution est effectivement plus long pour les candidats au logement public ayant besoin d’un grand logement, soit les familles nombreuses.

    Cependant, l’évaluation souligne aussi que ce délai plus long résulte moins des critères d’attribution au logement public qu’au déséquilibre de l’offre du parc de logements en termes de tailles. En effet, il faut rappeler que le parc de logements de plusieurs communes présente un déficit, voire une absence totale, de certaines tailles de logements. Les manques les plus fréquents concernent les logements « une chambre » et les « quatre chambres et plus ». Ainsi, les ménages qui ont besoin d’un logement de plusieurs chambres se trouvent souvent confrontés à une offre déficitaire dans les communes qu’ils ont choisies ; ils ont donc moins de chances de voir leur demande aboutir, quel que soit leur nombre de points.

    Mécaniquement, ils peuvent donc être contraints d’attendre beaucoup plus longtemps que d’autres ménages disposant de moins de points qu’eux, voire ne jamais se voir attribuer de logement.

    En supposant que les familles nombreuses reçoivent encore plus de priorités, il y a peu de chances que cela réduise leur délai d’attente puisqu’il y a un déficit structurel de l’offre de logements de grande taille.

    Le rapport du CEHD, bien qu’il constate l’efficience du système d’attribution, constate également cette inadéquation du parc locatif des SLSP aux besoins des ménages actuels. En effet, le changement des structures des ménages s’explique par une évolution sociologique. On constate particulièrement l’accroissement du nombre de personnes isolées et de ménages monoparentaux, qui, comme cité dans le rapport de la ligue des familles du mois de février 2022, font partie des ménages les plus exposés aux situations de précarité.

    À l’heure actuelle, plus de 40 % des ménages candidats locataires, environ 16 600 ménages, sont en attente d’un logement une chambre. Les ménages monoparentaux, quant à eux, représentent plus de 30 % des ménages candidats locataires. A contrario, les ménages de 4 chambres et plus ne représentent qu’environ 8 % des ménages candidats locataires. Néanmoins, ces familles nombreuses sont parmi les plus exposées aux difficultés de logements. C’est pourquoi le logement d’utilité publique tient à continuer à offrir des logements familiaux avec un loyer abordable.

    Pour répondre à cette problématique, j’œuvre pour que la structure du parc soit adaptée à la demande globale et à ce que les ménages ne doivent pas consentir un surcoût non supportable financièrement par l’occupation d’un logement « trop grand » en raison d’un déficit quantitatif de logements proportionnés à leur composition de ménage.

    Le programme de création de logements 2020 et le programme de création de logements à haute performance environnementale témoignent des efforts fournis en ce sens. En effet, les critères privilégient les projets correspondant aux besoins locaux de logements visant au minimum 50 % de logements à 1 ou à 2 chambres et/ou au minimum 20% de logements à 5 chambres et plus.

    Il n’en demeure pas moins que c’est au fur et à mesure des programmes de création de logements que l’on peut agir pour rééquilibrer progressivement, en fonction de la demande actuelle, le parc locatif en privilégiant la création de logements dans les typologies ciblées (au travers de montants de subvention adaptés et des critères d’éligibilité et de sélection).

    Enfin, pour ce qui concerne l’attribution d’un logement social et la prise en compte des enfants à charge, il convient de distinguer d’une part le droit à bénéficier d’une chambre pour un enfant hébergé et, d’autre part, les modalités du calcul du plafond d’admission ou des réductions pour enfants à charge.

    La réglementation tient compte, lors de l’attribution du logement à la suite d’une nouvelle candidature ou d’une mutation et lors de l’application de l’article 35, du ou des enfants bénéficiant de modalités d'hébergement chez l'un ou l'autre des membres du ménage, actées dans un jugement, dans une convention notariée ou dans un accord obtenu par l’entremise d’un médiateur familial agréé. Cette disposition s’applique, quel que soit le pourcentage de garde alternée chez l’un ou l’autre parent afin que celui-ci puisse assurer pleinement son droit. Les éléments probants naturellement requis permettent de garantir l’affection efficiente des logements aux ménages correspondants.

    Les plafonds de revenus à l’admission et les réductions de loyer pour enfants à charge sont, quant à eux, régis par le Code wallon de l’habitation durable qui les lie à l’attribution des allocations familiales.

    Enfin, l’obligation d’occuper le bien vise à éviter la spéculation immobilière. Dans les cas de difficultés telles que la recomposition de la famille, naissance, adoption, décès, il est possible au ménage qui le souhaite de renoncer à son occupation moyennant une indemnité de dégagement. Celle-ci est inversement proportionnelle à la durée d’occupation.