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Les zones consacrées à la biométhanisation

  • Session : 2023-2024
  • Année : 2024
  • N° : 454 (2023-2024) 1

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  • Question écrite du 08/05/2024
    • de EVRARD Yves
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La biométhanisation fait partie des solutions d'avenir pour atteindre nos objectifs de décarbonation, ainsi que ceux d'une meilleure autonomie énergétique de notre pays et singulièrement, de la Wallonie.
    Cette technique commence à être de mieux en mieux maîtrisée et plusieurs industriels/agriculteurs se lancent dans ce type de production assez rentable.

    Un des effets pervers de ce type de production d'énergie est qu'il doit mobiliser énormément de matières organiques à incorporer dans le digestat.
    On constate d'ailleurs que de plus en plus d'agriculteurs se lancent dans des cultures biomasse, comme le maïs, pour les vendre et les valoriser dans des unités de méthanisation.

    Cela représente une forme de diversification permettant d'améliorer le revenu des agriculteurs traditionnels. Par contre, cela crée une concurrence qui mobilise de plus en plus d'hectares dédiés à l'agriculture classique mettant de la sorte une pression financière et foncière importante sur les terres agricoles, et ce, au détriment d'une agriculture plus traditionnelle et conventionnelle.

    À l'heure où l'on évoque les circuits courts et la nécessité de recentrer notre alimentation sur des produits de qualité et locaux, comment Monsieur le Ministre analyse-t-il cette concurrence entre ces deux secteurs, où les objectifs sont louables dans les deux cas ?

    Pense-t-il qu'il est nécessaire de réguler le secteur, voire de mettre en place un moratoire comme cela a été fait pour l'installation de panneaux photovoltaïques en zone agricole ?

    De quelle manière faire en sorte que les sociétés à vocation non agricole limitent cette pression foncière déjà importante pour les agriculteurs et notamment les jeunes agriculteurs ?
  • Réponse du 07/06/2024
    • de BORSUS Willy
    La biométhanisation fait en effet partie des solutions pour atteindre nos objectifs de décarbonation ainsi que ceux d'une meilleure autonomie énergétique de notre pays.

    Cette technique commence à être de mieux en mieux maîtrisée et plusieurs industriels/agriculteurs se sont lancés ou dans ce type de production ou envisagent de le faire.

    D’emblée il faut distinguer deux types d’activités :
    - les infrastructures portées par des agriculteurs, dans le cadre d’une diversification de leur activité et pour une valorisation de leur production d’effluents et autres déchets de production ;
    - d’autre part, des projets plus importants portés par des industriels qui ont pour vocation que la production d’énergie se développe.

    Si les unités locales portées par des agriculteurs ne posent pas beaucoup de problèmes dès qu’elles sont gérées en diversification de l’activité agricole par les exploitants eux-mêmes, dans le respect des contraintes de leur exploitation, il n’en est pas de même pour les unités de type plus industriel qui impactent négativement le modèle agricole wallon.

    Dans le cas des unités locales, l’alimentation du digesteur est assurée par les éléments issus de l’élevage de l’exploitation au travers des lisiers et fumiers générés localement. Les compléments en maïs ou grains sont nécessaires, mais sont réalisés dans le respect des plans d’assolement de l’exploitation.

    Par contre, les opérateurs industriels ont tendance à construire de plus grosses unités de production, sans plus aucune liaison avec les exploitations locales. L’idée est alors de privilégier la quantité et les besoins en intrants sont décuplés.

    Les fumiers et autres effluents d’élevage sont prélevés de plus en plus loin, dans un rayon allant jusqu’à 100 km. Cela génère des coûts de transports importants et une perturbation des équilibres historiques d’échanges pailles/fumiers.

    Les besoins en cultures énergétiques deviennent plus importants, provoquant des modifications dans les plans d’assolement traditionnels et une pression sur le foncier agricole.

    À titre d’exemple, récemment, en Hainaut, une demande de construction d’une grosse station de biométhanisation prévoyait d’emblée l’utilisation de 200 ha de maïs destinés à couvrir 1/5 des besoins de matières à introduire dans les digesteurs. Ce chiffre pouvant bien entendu augmenter en cas de problèmes d’approvisionnement en effluents d’élevage ou en résidus d’usines de productions alimentaires. Vu le prix offert aux agriculteurs par ces industriels, les productions agricoles sont détournées de leur vocation plus classique, la nourriture du bétail pour ce qui concerne le maïs, et cela déstructure les filières économiques agricoles.

    À cela s’ajoute le problème de liaison au sol, car il parait illusoire de retourner les digestats d’effluents d’élevages à leurs exploitations d’origines situées à plus de 100 km. Cela signifie une perte ou un risque de perte au moins partielle de matière organique initialement destinée à amender les champs, matière organique tellement importante pour la structure des sols, avec, dans certains cas, une conséquence sur la résistance à l’érosion et pour la lutte contre les coulées boueuses.

    Historiquement, la Wallonie avait interdit les transferts d’effluents d’autres Régions vers la Wallonie, privilégiant le maintien des élevages en Wallonie et favorisant ainsi la filière agricole wallonne, le développement des abattoirs et des unités de transformation.

    L’affectation de terres de culture aux productions de cultures énergétiques pose encore une fois la question de la concurrence entre production d’énergie et la préservation de la capacité nourricière de nos sols et donc de la production alimentaire wallonne.

    L’Union européenne encourage les pays membres à viser l’autonomie énergétique en augmentant la production d’énergies vertes, mais tout en insistant sur la nécessité de protéger les terres agricoles et les capacités de production alimentaire.

    L’accès à la terre pour nos agriculteurs est un enjeu fondamental et les déséquilibres induits par les grosses unités de biométhanisation aboutissent finalement à augmenter la spéculation foncière et compliquent l’accès à la terre pour nos exploitants.

    La terre agricole a depuis toujours servi en partie pour de la production d’énergie, historiquement pour la production d’alimentation des chevaux à l’époque de la traction animale. Cette production a toujours été couplée à l’activité agricole. Depuis le développement de l’éolien, et maintenant des champs de panneaux photovoltaïques et de la biométhanisation industrielle, cette production énergétique est découplée de l’activité agricole et commence à lui nuire.

    Vu l’ampleur que prennent ces phénomènes, il sera nécessaire sous la prochaine législature de mieux les cadrer, comme j’ai commencé à le faire avec ma circulaire sur les installations photovoltaïques.

    Un cadre et des outils de monitoring restent nécessaires et seront un préalable au développement de ces modes de production d’énergie.

    Je termine en précisant qu’à ma demande, le Gouvernement a, en date du 23 mai 2024, adopté en troisième et dernière lecture l’arrêté modifiant l’arrêté du Gouvernement wallon du 30 novembre 2006 relatif à la promotion de l’électricité produite au moyen de sources d’énergie renouvelable ou de cogénération et a inséré un nouveau critère limitant le soutien aux unités de biométhanisation en fixant un seuil de 15 % de cultures dédiées. Ainsi, tout projet dépassant ce seuil ne sera soutenu par des certificats verts qu’à hauteur dudit seuil d’intrants issu de cultures dédiées.

    Cette mesure vise donc à continuer de marquer un soutien à la filière du biométhane, nécessaire à l’atteinte des objectifs climatiques fixés par la Région, tout en limitant l’impact que pourront avoir ce type de projets sur l’activité agricole et son foncier dédié.

    L’arrêté dont mention, scinde également l’enveloppe de certificats verts dédiés à la filière du biogaz afin de réserver une enveloppe aux grands projets de biométhanisation, tout en immunisant une autre enveloppe dédiée aux projets de plus petite taille, sans intrants externes.

    Ces différentes mesures sont, comme précisé plus haut, une première étape importante dans le prochain encadrement de cette filière, que l’on souhaite voir se développer, dans le respect de la filière agricole.