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La désignation du gestionnaire de réseau de distribution pour l’électricité.

  • Session : 2001-2002
  • Année : 2002
  • N° : 10 (2001-2002) 1

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  • Question écrite du 11/06/2002
    • de ISTASSE Jean-François
    • à DARAS José, Ministre des Transports, de la Mobilité et de l'Energie

    La directive européenne qui organise la libéralisation du secteur électrique dans les pays membres de l'Union, adoptée en décembre 1996, prévoit qu'en matière de distribution d'électricité, l'Etat ou le propriétaire du réseau désigne un gestionnaire du réseau de distribution compétent pour une zone géographique donnée.

    En Belgique, c'est aux Régions qu'il appartient de transposer la directive, pour les aspects touchant à la distribution d'électricité et au transport local uniquement. Les autres aspects ayant été transposés par l'Etat fédéral. La Région wallonne s'est donc exécutée par un décret du 12 avril 2001 et par un arrêté ministériel du 21 mars 2002.

    L'article 57 de ce décret du 12 avril 2001 précise notamment que ce sont les communes et les provinces, lorsque ces dernières sont membres d'une intercommunale de distribution d'électricité, qui proposent au Gouvernement wallon le gestionnaire de réseau choisi.

    Ces textes insistent, en outre, sur le fait que la gestion du réseau et la fourniture doivent être totalement indépendantes l'une de l'autre afin de garantir l'indépendance du gestionnaire de distribution et l'accès au réseau de distribution à des conditions équitables et non discriminatoires.

    Une difficulté apparaît néanmoins à l'article 3 du décret puisqu'il précise explicitement que le gestionnaire du réseau doit être propriétaire de celui-ci ou bénéficier du droit d'usage sur les infrastructures et équipements du réseau.

    Dès lors, si une commune désire changer de gestionnaire de réseau de distribution, il est possible que le gestionnaire qu'elle désire proposer ne dispose pas d'un droit de jouissance sur ce réseau. La commune devra alors faire en sorte que ce nouveau gestionnaire obtienne ce droit d'usage auprès du propriétaire du réseau ou bien qu'il rachète le réseau en question. Si on prend le cas de la ville de Verviers, par exemple, on constate qu'Electrabel ne veut pas vendre le réseau. Tout autre gestionnaire potentiel est donc exclu d'office puisqu'il ne pourra être propriétaire du réseau. Donc, d'un côté on annonce aux communes qu'elles ont un choix élargi et d'un autre côté on développe une série d'obligations qui restreignent ce choix.

    Une autre observation pourrait être faite dans le cas de Verviers où Electrabel pourrait se retrouver à tous les échelons du schéma : producteur d'électricité, fournisseur, propriétaire du réseau et gestionnaire du réseau de distribution. Ce qui, manifestement, n'est pas l'effet recherché par la directive sur le marché intérieur de l'énergie.

    Dès lors, Monsieur le Ministre peut-il me dire ce qu'il pense de cette limitation de choix imposée aux communes par le décret et l'arrêté wallon et qui ne va pas, je crois, dans le sens souhaité par les auteurs du texte européen ?

    De plus, Monsieur le Ministre peut-il me garantir que les communes qui, comme Verviers, seront desservies par Electrabel à toutes les phases de la fourniture d'électricité, ne verront pas leurs accords remis en cause par la Commission européenne ?
  • Réponse du 17/06/2002
    • de DARAS José

    Dans sa question, l'honorable Membre considère que le décret du 12 avril 2001 limite le choix des communes quant à la désignation du gestionnaire du réseau. Ce n'est absolument pas l'esprit du décret. L'esprit du décret est bien de favoriser la séparation la plus complète possible entre les différents métiers de l'énergie, à savoir la production, le transport et la distribution et enfin la fourniture d'électricité. Le but de la manoeuvre est de favoriser la saine concurrence au niveau de la production et de la fourniture et de confirmer le monopole au niveau de l'activité “fil”, c'est-à-dire le transport et la distribution.

    A cet égard, nous avons été aussi loin que possible et plus loin en tout cas que ce que nous imposait la directive européenne. Ainsi, nous avons exigé la séparation juridique complète entre les activités de gestion du réseau et celles de fourniture d'électricité, alors que nous aurions pu nous contenter d'une séparation comptable.

    La seule limite que nous nous sommes donnée est celle de la réalité sur le terrain, conséquence de l'histoire de l'énergie en Belgique, que nous aurions peut-être préférée autre, mais que nous ne pouvons pas ignorer.

    Electrabel est propriétaire majoritaire de la plupart des réseaux en Belgique. Nous ne pouvons changer le passé mais nous pouvons influencer l'avenir. Aussi, en donnant la majorité aux communes, nous leur donnons les moyens à terme et si elles le souhaitent d'évoluer vers un autre partenariat.

    A court terme évidemment, il ne peut être question, comme vous le suggérez, de pouvoir désigner un gestionnaire de réseau qui n'aurait pas le droit d'usage du réseau. Car l'essentiel est de garantir l'approvisionnement en électricité des clients résidentiels, industriel et tertiaires.

    Imaginez déjà la question que vous me poseriez si, après avoir désigné un gestionnaire de réseau qui ne pourrait pas utiliser un réseau complet et de qualité, les clients n'étaient alimentés qu'épisodiquement. Et la satisfaction d'Electrabel qui apparaîtrait comme le sauveur de la situation.

    Donc, à défaut d'expropriation et d'obligation faite aux communes de racheter l'ensemble du réseau, il faut que les partenaires trouvent un arrangement pour tendre vers une solution satisfaisante pour toutes les parties. Si la ville veut mettre un terme au partenariat avec Electrabel, elle doit s'en donner les moyens. Soit trouver les moyens financiers pour racheter les parts d'Electrabel, soit négocier la cession du droit d'usage, soit trouver un nouveau partenaire disposé à racheter les parts d'Electrabel. Je sais qu'on ne peut pas contraindre un partenaire à vendre, mais si la volonté d'une ville était exprimée sans équivoque, avec constitution des moyens nécessaires, je ne pense pas qu'Electrabel ait intérêt à résister longtemps à une offre honnête. Surtout que, comme je l'ai déjà signalé, il n'est pas nécessaire que le gestionnaire du réseau soit propriétaire de ce réseau, il suffit qu'il obtienne un droit d'usage.

    Je ne me réjouis pas en effet qu'Electrabel reste présent dans les quatre métiers de l'électricité. J'y vois un risque quant à l'indépendance des acteurs et à un accès non discriminatoire aux réseaux.

    Ce risque est encore majoré avec la volonté de la majorité des communes d'être aussi présentes dans les quatres métiers aux côtés d'Electrabel, soit en tant qu'actionnaire du producteur, du GRT et du fournisseur (Electrabel customer solution), ainsi que dans le GRD, ce qui était le souhait du décret. Cela fait de ces communes le partenaire privilégié d'un producteur, ce qui leur retire leur “objectivité” naturelle. Il y a donc un risque réel de perversion du système au bénéfice du producteur et du fournisseur dominant.

    Le régulateur wallon (la CWaPE) sera donc particulièrement attentif à ces dérives potentielles et, si des discriminations sont constatées, prendra les mesures nécessaires.

    Dans cette hypothèse aussi, la Commission européenne ne manquerait pas d'intervenir pour condamner des pratiques qui seraient contraires à l'esprit de la directive et aux principes du droit de la concurrence.

    Comme je vous l'indiquais donc plus haut, Electrabel a tout intérêt à jouer loyalement le jeu !