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L'abus de médicaments tranquillisants en maison de repos

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 260 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 18/05/2011
    • de PECRIAUX Sophie
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Dans ses émissions du vendredi 13 mai, la chaîne Bel RTL relatait ce qui suit : « Un résident dans une maison de repos consomme beaucoup plus d'antidépresseurs et d'antipsychotiques qu'une personne âgée soignée à domicile, et ce, à degré de dépendance comparable. ».

    Ceci n’est pas valable pour l’ensemble des maisons de repos. En effet, selon l’institution, la consommation d'antidépresseurs peut varier du simple au double, soit de 30 à 59 % et celle d'antipsychotiques de 9 à 35 %.

    La Mutualité chrétienne a réalisé une étude qui montrerait qu'à profil de dépendance comparable, 43,2 % des résidents en maison de repos consomment des antidépresseurs, contre 31,7 % pour les personnes soignées à domicile.

    Par ailleurs, les résidents ont aussi été deux fois plus nombreux à consommer des antipsychotiques que les patients à domicile. L'enquête révèle enfin que la consommation des antidépresseurs et antipsychotiques en maisons de repos n'est pas plus importante après une hospitalisation.

    D’autre part, un quart des personnes en maison de repos consomment des médicaments peu appropriés pour leur âge : il ressort également de l'enquête que 26 % des résidents se sont vu administrer un produit figurant sur la liste de Beers, qui reprend les médicaments peu appropriés pour les personnes âgées à cause des effets secondaires.

    Ces informations qui m’ont bien entendu choquée tenteraient à démontrer ce que des amis ou proches ayant des personnes âgées en maison de repos m’ont déjà rapporté : les personnes en maison de repos sont souvent beaucoup plus apathiques et présentent un manque d’entrain par rapport à leur vie précédente.

    Ces attitudes sont bien souvent mises sur le compte soit de l’avancement en âge, soit du retrait de la vie réelle.

    Il serait regrettable que ces comportements soient dus à une augmentation de calmants, si la personne âgée est agitée ou trouble parfois la quiétude de ses congénères, car alors il pourrait s’agir d’une certaine forme de maltraitance.

    Madame la Ministre est-elle au courant de cette étude ?

    Dans l’affirmative, les données de l’étude ont-elles été vérifiées par son administration ?

    Quelles suites Madame la Ministre compte-t-elle donner à cette information.
  • Réponse du 10/06/2011
    • de TILLIEUX Eliane

    J'ai pris connaissance de l'étude menée par les mutualités chrétiennes en 2009 concernant la prise de médicaments par les personnes âgées.

    Les messages clefs de l'étude sont les suivant:
    - consommation importante d'antidépresseurs et d'antipsychotiques en maisons de repos;
    - beaucoup de médicaments issus de la « liste de Beers» (liste de médicaments inappropriés, à la fois à cause de leur manque d'efficacité et du risque d'effets secondaires, l'inscription d'un médicament sur cette liste ne signifie toutefois pas que la prescription de ce médicament dans un cas particulier soit inopportune) ;
    - les grandes différences de consommation entre maisons de repos persistent;
    - le niveau de consommation d'antidépresseurs et d'antipsychotiques est nettement moins important à domicile (à profil de dépendance comparable) ;
    - après une hospitalisation, la consommation d'antidépresseurs et d'antipsychotiques en maisons de repos n'est pas plus élevée.

    Les résultats moyens sont les suivants:
    - 42 % des résidents ont reçu en 2009 des antidépresseurs pendant 30 jours ou plus;
    - 22 % des résidents ont reçu en 2009 des antipsychotiques pendant 30 jours ou plus. (médicaments utilisés normalement dans le traitement d'affections psychiatriques graves, comme la schizophrénie) ;
    - 26 % des résidents ont reçu en 2009 au moins un produit figurant sur la « liste de Beers ».

    Dit autrement, dans moins d'une maison sur 10, la proportion de consommateurs chroniques d'antidépresseurs est inférieure à 30 % des résidents.

    Les comparaisons qui se font à profil de dépendance comparable (mais en soi, pourquoi la dépendance devrait-elle être un critère de consommation de psychotropes?) montrent qu'au domicile, on consomme moitié moins d'antidépresseurs et trois fois moins d'antipsychotiques : ce qui est évidemment fort interpellant.

    Les résultats de cette étude corroborent ceux de l'étude réalisée par le KCE (parastatal dont la mission consiste à produire des rapports d'études afin d'aider les responsables à prendre des décisions en matière de santé publique) en 2007.

    Il ressortait déjà à l'époque qu'une moyenne de 44 % des résidents en maison de repos avaient consommé des antidépresseurs pendant au moins un mois (75 % dans certaines institutions).

    De plus, 25 % des résidents se voyaient prescrire des psychotiques.

    De manière générale, les Mutualités Chrétiennes n'ont pas constaté de différences entre leurs études de 2007 et 2009 et confirment ainsi les analyses du KCE.

    L'étude montrait que les établissements qui utilisent le moins ces médicaments sont les grandes maisons de repos et de soins qui disposent d'un médecin coordinateur et conseiller, d'un pharmacien hospitalier et d'un bon système interne de gestion des médicaments.

    Le KCE recommandait donc de renforcer le rôle du médecin-coordinateur et conseiller (qui a souvent suivi une formation spécifique en soins à prodiguer aux personnes âgées) dans le cadre d'une meilleure collaboration avec le personnel infirmier dont la formation doit tendre vers une meilleure qualité de la gestion des médicaments.

    Toutefois, la plupart de ces recommandations relèvent de la compétence de l'Autorité fédérale.

    Dans le cadre de la fixation des normes d'agrément des lits MRS, le rôle du médecin coordinateur sera renforcé.

    Le groupe de travail MRS du Conseil national des établissements hospitaliers s'y attache.

    La structuration des départements infirmiers, l'informatisation des dossiers des patients et l'utilisation de la grille d'évaluation Bel Rai participent aussi d'une approche intégrée, et donc plus efficace, de la gestion des besoins en médicaments. Ces objectifs sont également à l'étude au sein du Service Public Fédéral Santé.

    L'Autorité publique doit déterminer le niveau des besoins de qualité de soins à apporter aux personnes âgées dans les institutions et ainsi les rendre plus efficaces.

    La Conférence interministérielle de la Santé s'est saisie du dossier.

    Elle a adopté une note autorisant le déploiement d'expériences pilotes pour améliorer les processus de gestion des médicaments, notamment par la présence des pharmaciens dans les institutions, mais aussi pour favoriser la diminution de la prise de certains médicaments, en particulier les psychotropes, en proposant des solutions alternatives favorisant l'amélioration de l'état clinique des patients concernés.

    Un budget de 600 000 euros a été libéré afin de permettre le développement d'une vingtaine d'expériences pilotes.

    Ces expériences pilotes ne pourront toutefois être mises en place que sur la base d'un appel à candidature lancé après adoption d'un arrêté royal aujourd'hui en préparation dans les services de l'INAMI.