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Le coût interne du développement de l'énergie éolienne on shore en Wallonie

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 309 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 23/01/2012
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Une question n° 231 a été posée à ce propos et Monsieur le Ministre y a répondu.

    La réponse, pour complète qu'elle a pu être, n'assure cependant pas une réponse à l'ensemble des questions posées.

    Il peut être difficile de distinguer le coût de l'éolien par région dès lors qu'il y aurait des estimations faites sur le plan national.

    1. Néanmoins, pour quelles raisons la CWAPE ne peut-elle mener à bien cette étude et pour quelles raisons ne l'a-t-elle pas réalisée?

    2. Il convient de rappeler que l'objet de la question parlementaire était d'attirer l'attention de Monsieur le Ministre sur le payback (délai de retour sur investissement) moyen de 7 années pour la filière éolienne, ayant comme conséquence un «cadeau» de huit années de CV payés par les citoyens par le truchement de leurs factures d'électricité.

    Monsieur le Ministre avait estimé que selon les études de l'ICEDD reprises par la CWAPE, ce payback serait de 12 années.

    C'est méconnaître la réalité!

    3. Sur le site « Ecolo ouvert » de M. Leclercq, nous pouvons lire un vibrant plaidoyer pour la formule PPP permettant aux citoyens de s'approprier des bénéfices substantiels de l'éolien on shore, tout en précisant que « les retombées financières peuvent être très importantes pour la collectivité (pouvoir et population) » et que « l'éolienne est donc remboursée en 7 ans », en référant aux données fournies par APERE, Vents d'Houyet, etc. Voir: http://michael.leclercg.over-blog.net/pages/Eolien à Beaumont, partenariat publicprivé pourquoi pas -1237921.html.

    4. La réalité bilantaire des sociétés d'exploitation est encore plus parlante. Il est proposé ci-après d'examiner le bilan 2010 de la société de gestion «Cape Doctor SA» exploitant la centrale de Warisoulx comportant 5 éoliennes (hauteur 140m) de 2MW. Les résultats des autres sociétés de gestion (Electrastar SA, Les Vents de Perwez SA, Electricité du bois du Prince SA ... ) sont analogues.
    Le bilan 2010 de « Cape Doctor SA» nous apprend:
    - que l'année 2010 est la première année complète au niveau opérationnel, 2009 ne comptant que quatre mois d'activité (cfr rapport de gestion). On en déduit que le montant de 2009 de 11.046.452 euros des dettes à long terme (code 173 vis-à-vis des institutions de crédit) représente le montant de l'emprunt;
    - que la valeur de l'acquisition (code 8192P) au terme de l'exercice précédent est de 15.092.638 euros, ce qui répond d'ailleurs à la norme actuelle de 1,5M euros/MW compte tenu du fait que la puissance de la centrale de Warisoulx est de 10MW. La différence entre cette valeur représentant l'investissement total et l'emprunt de 11.046.452 euros plus l'emprunt subordonné de 1.992.579 euros (code 170), à savoir la somme de 13.039.031 euros, constitue l'apport propre qui est donc de 2.053.607 euros que l'on retrouve partiellement dans les dettes à court terme, compte tenu du fait que le capital souscrit n'est que de 150.000 euros ;
    - que le montant des amortissements s'élève à 984.397,44 euros Rappelons que l'exercice examiné tient compte de 12 mois d'amortissement, alors que l'année précédente ne comptait que 4 mois (cfr rapport de gestion) ;
    - que les ventes et prestations de l'exercice s'élèvent à 2.592.905,87 euros pour une production de 21.931MWh, à savoir un prix de vente unitaire de 118 euros/MWh. Il est donc inexact de prétendre que le CV ne serait valorisé qu'à 65 euros, alors que vu la pression sur les marchés due à la forte progression de la quotité de renouvelable (37,9% en 2020 ?), il continue à se négocier à 90 euros ou 92 euros ;
    - que le bénéfice avant impôt de l'exercice est de 413.418 euros pour un investissement ou dépôt de 150.000 euros au niveau du capital souscrit ;
    - que le bénéfice net après impôts s'élève à 413.418 euros (la société bénéficiant de déductions pour investissement économiseurs d'énergie, elle ne paie cette année-là aucun impôt, cfr rapport de gestion) ;
    - que le « free cash-flow» (flux de trésorerie disponible représentant les recettes moins les dépenses) de l'exercice est de 413.418 euros (bénéfice net) + 984.397 ( (amortissements) = 1.397.815 euros. Etant donné la relative stabilité de la production et des prix de vente, ce montant représente alors une estimation valable pour les années à venir (jusqu'à la fin de la quinzième année, arrêt des CV) de la valeur (non actualisée) des recettes moins les dépenses ;
    - que l'apport personnel dans l'investissement total étant de 2.053.607euros. Le « payback » est de 1,47 années compte tenu du cash-flow de 1.397.815 euros. Il convient de remarquer que ce payback exceptionnellement bas est la conséquence qu'une production de cette centrale de 10MW était de 21931MWh représentant un taux de charge de 25 %, ce qui dépasse de loin la moyenne wallonne actuelle. Le Bilan énergétique de la Wallonie 2009 (version 2 de février 2011) contient les derniers chiffres concernant la production éolienne et permet d'en inférer le taux de charge actuel. Le tableau 34 de la p 59 nous apprend que de la production 2009 (498,4GWh) correspondant à la puissance installée fin 2009 (319,7MW) résulte un taux de charge de 17,8%. Il est aisé de montrer qu'avec un taux de charge de 20% et la quotité usuelle emprunté de 80% de l'investissement total, le « payback » de l'apport personnel de 20% de l'investissement est de maximum 7 années ;
    - que le Conseil d'administration a approuvé la distribution de 200.000 euros sur un an au titre de dividendes (pour un capital initial souscrit de 150.000 euros, cela représente un return de 133% ! sur un an).

    Est-on fou en Wallonie et Monsieur le Ministre cautionne-t-il ce dérapage délirant?

    5. II convient de remarquer que, dans le cas des centrales éoliennes, la notion d'amortissement n'est pas tellement compatible avec une exploitation limitée dans le temps (le permis éolien n'est valable que 20 ans pour le permis d'environnement et de durée «illimitée» pour le permis d'urbanisme) et que le concept de revalidation de l'outil de production pour raison d'usure ou d'obsolescence, sous-jacente à la notion d'amortissement, n'est donc pas d'application. Les « moyens» supplémentaires dont dispose l'entreprise d'exploitation au moment du bilan (recettes moins dépenses) et que l'on appelle conventionnellement «free cash flow» sont donc bien constitués par le bénéfice net plus le montant de l'amortissement de l'exercice. La notion de rentabilité financière des éoliennes, traduite par le retour sur investissement doit donc être basée sur le cash-flow et non sur le bénéfice net.

    6. L'affirmation de Monsieur le Ministre basée sur les calculs de l'ICEDD, repris par la CWAPE concernant le payback de 12 ans, est-elle fondée ou non ?
    II est permis d'en douter ! Que peut répondre Monsieur le Ministre à ce propos?

    7. Le retour sur investissement réel de 1,5 à 7 ans selon le productible éolien implique que la période actuelle d'octroi des CV (15 ans) constitue bel et bien un cadeau d'au moins 8 années de CV à la filière éolienne, comparable au bénéfice exorbitant de l'outil nucléaire suivant la fin des amortissements et qui a donné lieu à la controverse de la « rente nucléaire ».

    Monsieur le Ministre peut-il faire part de sa position à ce propos?

    8. En tout état de cause, le système des «Certificats verts» liés à une multiplication anormalement élevée de nouvelles éoliennes en Wallonie constitue manifestement une «pompe à fric incroyable» pour les promoteurs « intelligents» qui ont pu se lancer, c'est tout profit pour eux, dans un secteur où finalement les profits seront payés par le consommateur final et les entreprises.

    Monsieur le Ministre est-il ou non conscient de cette situation et qu'attend-il pour réagir ?

    9. Pour quelles raisons la CWAPE et le Gouvernement wallon ne sont-ils pas capables de chiffrer le surcoût de la facture des ménages et des entreprises vis-à-vis de la politique énergétique développée par le Gouvernement wallon ? A suivre ...

    Que peut répondre Monsieur le Ministre à ce propos?

    10. Compte tenu du rythme actuel du développement de l'éolien en Wallonie, nous risquons d'appauvrir considérablement les ménages, d'une part, et de mettre en péril la compétitivité des entreprises et de l'emploi, d'autre part.

    Quelle est, face à ce constat, la position de Monsieur le Ministre ?
  • Réponse du 13/02/2012
    • de NOLLET Jean-Marc

    La question de l'honorable membre comporte de nombreuses sous-questions. Celles-ci contiennent par ailleurs des constats qui méritent d’être nuancés.

    Concernant le coût de l’éolien en Wallonie, je rappelle que cette filière enregistre un bon rapport coût-efficacité. Ce constat, issu de l’expertise du consortium ICEDD-Econotec, a constitué un élément important de la décision du Gouvernement wallon d’une contribution de 4 500 GWh de productible éolien dans l’objectif de 8 000 GWh d’électricité renouvelable sur sol wallon. La CWaPE n’a pas réalisé d’étude spécifique sur le coût global de l’éolien. Par contre, elle a publié deux documents dont Monsieur le Député peut prendre connaissance : la proposition CD-11i29-CWaPE-353 du 6 octobre 2011 où l’ensemble des hypothèses technico-économiques de l’éolien on-shore sont précisées, et l’avis CD-11g05-CWaPE-334 du 5 juillet 2011 dans lequel le coût global des certificats verts à l’horizon 2020 est estimé. J’invite Monsieur le Député à examiner de manière approfondie les deux documents précités.

    Je confirme également que la rentabilité des investissements en électricité verte, dont celle de la filière du grand éolien, est strictement encadrée par l’arrêté gouvernemental du 30 novembre 2006 et deux arrêtés ministériels. Les taux de rentabilité de référence des différentes filières y sont déterminés ; pour l’éolien, celui-ci s’élève à 8%. Il est tout à fait normal et même nécessaire que pour des technologies, une rentabilité minimale soit assurée durant l’ensemble de la durée de vie de l’installation. Tous les experts en la matière vous confirmeront par ailleurs qu’un taux de rentabilité de 8% n’est certainement pas excessif.

    En appliquant ce taux de rentabilité de référence aux hypothèses technico-économiques précisées par la CWaPE, on détermine un facteur de réduction ‘k’ pour les 5 dernières années d’octroi des certificats verts. Ce facteur de réduction permet d’ajuster le niveau de soutien à une filière afin que celui-ci s’approche du taux de rentabilité de référence précisé. Je vous confirme donc que la combinaison de ces différents paramètres conduit à un temps de retour sur investissement du grand éolien on-shore de l'ordre de 12 ans et non de 7 ans.

    Pour le reste, il ne m’appartient pas de m’engager dans une confrontation de chiffres sur un projet particulier. Toutefois, je rappellerai à l'honorable membre les quelques points d’attention suivants lorsque la rentabilité d’un projet est examinée :
    - la prise en compte des frais de développement du projet (étude d’incidence, pré-études, multiples contacts, etc.) ;
    - les charges fiscales sur toute la durée du projet, et pas seulement sur les années initiales ;
    - la prise en compte du remboursement des emprunts dans l’analyse des cash-flows.

    Lorsque les chiffres d’un projet en particulier sont analysés, il convient d’adopter la plus grande prudence quant à l’extrapolation à l’ensemble d’une filière de chiffres relatifs à un projet individuel, présentant des spécificités tant géographiques que temporelles. Au niveau géographique, je retiendrai surtout la situation venteuse d’un site en particulier, qui peut fortement différer du régime venteux d’un autre site, ainsi que les coûts de raccordement au réseau (certains sites éoliens sont situés à l’immédiate proximité de la cabine d’injection, contrairement à d’autres). D’un point de vue temporel, il apparaît que plusieurs facteurs ont fortement évolué depuis quelques années, j’en citerai les principaux :
    - la crise financière a eu des répercussions importantes sur le financement d’un parc éolien, avec une forte détérioration du ratio fonds propres sur fonds empruntés ;
    - les recours au Conseil d’Etat se sont multipliés, engendrant une grande incertitude sur l’obtention de permis libres de recours et, partant, sur le taux de succès des projets ;
    - l’évolution des valeurs de certains paramètres fondamentaux des recettes d’un producteur éolien, comme le prix des certificats verts.