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L'incohérence de la politique d'accueil des gens du voyage en Belgique

  • Session : 2012-2013
  • Année : 2012
  • N° : 13 (2012-2013) 1

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  • Question écrite du 19/10/2012
    • de PECRIAUX Sophie
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des Chances

    Selon les conclusions du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe, les gens du voyage font l'objet de discriminations systématiques en Belgique.

    Le Comité conclut que la Belgique viole plusieurs dispositions de la Charte sociale européenne. Ainsi, les articles 16 et 30 – combinés ou non avec l'article E relatif à la non-discrimination – qui consacrent respectivement le droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique et le droit à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale, ne sont pas respectés.

    Parmi les situations qui posent question, le Comité cite, entre autres, l’inadaptation des législations relatives au logement et à l’urbanisme. Si ce sont les Régions qui sont compétentes pour ce qui touche à ces matières, aucune d'elles ne prévoit suffisamment d'aires d'accueil pour les gens du voyage.

    Ainsi, selon la Fédération internationale des Droits de l’Homme, il n'y a, en Région wallonne, qu'un seul terrain public de séjour temporaire, aucun terrain public résidentiel et seulement un petit nombre de terrains ad hoc mis à disposition par les communes. En outre, la Région wallonne ne reconnaît pas la caravane comme logement alors qu’elle est reconnue en Flandre. Enfin, les difficultés liées à la domiciliation rendent difficile l'accès aux allocations sociales pour les gens du voyage avec les problèmes de précarité qui en découlent.

    Le Centre pour l'égalité de chances déplore de son côté « l'absence d'une politique globale coordonnée pour prévenir et combattre la pauvreté et l'exclusion sociale des gens du voyage ».

    En tant que ministre en charge de l'égalité de chances, Madame la Ministre peut-elle me dire quels sont les moyens mis en œuvre en Région wallonne afin de combattre la pauvreté et l'exclusion des gens du voyage ?

    Quelles mesures concrètes les autorités régionales ont-elles ou vont-elles prendre afin d'assurer le respect des articles 16, 30 et E ?
  • Réponse du 14/11/2012
    • de TILLIEUX Eliane

    Les politiques relatives à l’accueil des Gens de Voyage relèvent à la fois de l’État fédéral et des entités fédérées.

    En 2010, j’ai proposé au Gouvernement wallon d’encourager au niveau régional une politique cohérente respectueuse des Gens de Voyage et de leur mode de vie, mais aussi des sédentaires, ceci dans le respect de l’autonomie communale.

    J’ai estimé qu’il était important de travailler à la sensibilisation des différents acteurs locaux (communes, provinces,…) et des Gens du Voyage, mais aussi de disposer d’un inventaire des terrains qui pourraient être mis à la disposition des Pouvoirs locaux dans le cadre de l’accueil des Gens de Voyage.

    Pour rappel, déjà en 2004, le Gouvernement wallon a adopté une convention-cadre fixant les conditions d’octroi d’une subvention au Centre de médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie (CMGV), à titre de contribution aux dépenses occasionnées par les missions d'intérêt général qui lui ont été confiées. Cette convention a été renouvelée en juin 2012.

    En 2007, afin de lutter de manière efficace contre toutes les formes de discriminations, le Gouvernement wallon a mis sur pied un groupe de travail centré sur l’amélioration des conditions de vie des Gens du Voyage.

    Ce groupe de travail a abouti, outre le soutien au Centre de médiation des Gens du Voyage, à une dynamique de conscientisation de tous les acteurs notamment par :
    - la signature d’une convention avec 7 communes wallonnes (Amay, Hotton, Mons, Namur, Sambreville, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Verviers) ayant remis un projet leur permettant d’entrer dans l’ensemble du dispositif proposé par le gouvernement, qui porte à la fois sur l’organisation du séjour et sur l’aménagement d’un terrain. Pour rappel, ces communes pouvaient bénéficier chacune d’une aide à l’engagement d’une personne en charge de l’accueil des Gens du Voyage sur le territoire communal moyennant l’octroi de 8 points APE et d’un subside de fonctionnement de 10 000 euros par an, ainsi que d’une aide à l’acquisition et/ou un subside pour équiper un terrain sur la base de l’acceptation du projet reçu ;
    - l’envoi, avec mon collègue le Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville, d’un courrier à toutes les villes et communes de Wallonie les informant annuellement des dispositions à prendre en vue de favoriser le séjour temporaire des Gens du Voyage ;
    - l’organisation annuelle d’une « Journée des Gens du Voyage » dans chacune des cinq provinces wallonnes ;
    - l’intervention systématique du Centre de médiation des Gens du Voyage à la demande des autorités communales ou des Gens du Voyage ;
    - l’édition d’un guide de bonnes pratiques à l’intention des communes.

    A propos de la conclusion du Comité afférente à l’inadaptation des législations relatives au logement et à l’urbanisme, il est important de souligner que les modifications apportées au Code wallon du logement et de l’habitat durable du 9 février 2012 précisent (article 22bis) que « La Région accorde une aide aux ménages en état de précarité qui créent ou améliorent une habitation qui n’est pas un logement, dans une zone telle que déterminée à l’article 44, §2. Le gouvernement détermine les conditions minimales d’habitabilité et de sécurité auxquelles doit répondre l’habitation. Les fonctionnaires et agents de l’administration désignés ont qualité pour contrôler ces conditions minimales et établir un rapport d’enquête. » L’article 44§ 2 cite plusieurs types de zones dont « le terrain destiné à recevoir des habitations mobiles occupées par des Gens du Voyage. »

    Au niveau des infrastructures, il y a lieu de distinguer deux types de situations :
    - le séjour temporaire qui s’exerce de mars à octobre. La Région wallonne privilégie la concertation des autorités locales avec les Gens du Voyage lors de leur installation à l’obligation d’aménagement de terrains spécifiquement dédiés à cette fonction. Avec son projet de soutien des communes pilotes, la Région wallonne a impulsé une dynamique de fond. En effet, pour les communes s’engageant à gérer de manière concertée le séjour des Gens du Voyage, un soutien important est accordé, par convention, sous forme d’un poste de travail via des points APE et d’une subvention complémentaire. Pour les communes qui souhaitent s’engager dans l’aménagement de terrain, outre un accompagnement adéquat, une subvention à l’acquisition et à l’aménagement de terrain peut être octroyée par les Départements de l’Action sociale et du Logement. Trois projets sont en cours de réalisation (Mons, Namur et Sambreville) ce qui, si on ajoute le terrain existant à Bastogne, porterait à quatre le nombre de terrains spécifiquement aménagés pour le séjour temporaire des Gens du Voyage. L’aménagement de terrains peut constituer une solution dans les communes connaissant un fort taux d’urbanisation et une fréquentation, importante par les Gens du Voyage. L’expérience menée depuis plusieurs années par le Centre de médiation des Gens du Voyage montre qu’en ce qui concerne le séjour temporaire, la gestion concertée est la solution la plus réaliste, la plus efficace sur le plan coûts/bénéfices et la plus respectueuse de la cohésion sociale au niveau local ;
    - les terrains familiaux, quant à eux, nécessitent avant tout une réponse urbanistique et de soutien financier lorsque le terrain en question est communal.

    Enfin, les éventuels problèmes liés à la domiciliation rendent effectivement difficile l'accès aux allocations sociales pour les Gens du Voyage avec les problèmes de précarité qui en découlent. Mais, l’inscription au registre de la population est de la compétence exclusive du Gouvernement fédéral, la Région wallonne n’a que peu de prise sur cette disposition.

    Toutefois, il importe de valoriser, harmoniser et coordonner les politiques respectives autour des Gens du Voyage, c’est pourquoi une coordination entre les différentes entités est nécessaire.

    Cette coordination aura lieu via le groupe de travail créé le 21 mars 2011 dans le cadre de la Conférence interministérielle «Intégration dans la Société».

    Le groupe de travail se réunira au moins 2 fois par an à partir de 2013. Il est présidé par un représentant de la secrétaire d’État fédéral à l’intégration sociale.

    Je ne manquerai pas de tenir informer l'honorable membre de l’évolution de ce dossier qui demande l’implication de plusieurs acteurs.