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La taxation au kilomètre à Bruxelles avec la participation de la Wallonie

  • Session : 2013-2014
  • Année : 2014
  • N° : 397 (2013-2014) 1

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  • Question écrite du 14/02/2014
    • de EERDEKENS Claude
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Dans l'édition de « Vers l'Avenir » du 11 février 2014, en page 5, il était question du malaise politique qui concerne ce dossier.

    Le parti écolo, au niveau bruxellois, avec le soutien probablement inconsidéré d'autres formations politiques, veut pénaliser les automobilistes qui viennent à Bruxelles.

    Tout cela me paraît un acte contraire au bon sens.

    Je relève dans l'article signé par M. Martial Dumont que le Président de la Chambre, M. André Flahaut dit : « faut faire ranger ces concepteurs au bord de la route et retirer les permis, s'ils en ont !!!».

    M. Lutgen, Président du cdH est aussi radicalement opposé...maintenant..à une mesure incompréhensible. Il n'y a, pour l'heure, aucune alternative en matière de transports en commun qui puisse justifier de pénaliser à ce point les automobilistes.

    Monsieur le Ministre peut-il me confirmer que le Gouvernement wallon ne veut pas participer à la désertification de la Région bruxelloise en termes d'emplois à peine de pénaliser l'ensemble des entreprises qui sont installées à Bruxelles et les travailleurs de Wallonie qui doivent y aller travailler ?
  • Réponse du 23/04/2014
    • de HENRY Philippe

    Entre 1970 et 2010, les distances routières parcourues en voiture ont triplé. En cause, le parc belge de voitures qui est passé de 2 à près de 7 millions d’unités en 2012. Chaque année depuis 1950, le parc belge s’agrandit d’en moyenne 100 000 voitures. Depuis 1975, le nombre de kilomètres moyen parcouru par an a augmenté de 33 %. Les automobilistes sont de plus en plus souvent seuls !

    Un statu quo en matière de politique de mobilité conduit à une augmentation des coûts pour la société. La Febiac a estimé que sans nouvelle mesure ces coûts pouvaient augmenter de 1,3 milliard d’euros d’ici 2020 (1). Le nombre croissant de déplacements pèse sur la liberté de mobilité. Les défis sont de 5 ordres :
    * Accessibilité. Il faut réduire la congestion du trafic qui coûte déjà aujourd’hui 2,5 milliards d'euros par an ;
    * Environnement. Le transport (à plus de 90 % routier) représente en Belgique près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre mais aussi l’essentiel des polluants atmosphériques (responsable de plus de 1.000 décès prématurés (2) en Région bruxelloise). C’est dans ce secteur que l’on observe la plus forte croissance des émissions par rapport à 1990 : +35 %. Il faut donc combiner réduction du nombre de kilomètres parcourus et des émissions liées à chaque kilomètre ;
    * Espace. Il convient d’optimiser la capacité du transport et de soutenir la comodalité ;
    * Social. La mobilité doit être accessible et abordable pour tous via des tarifs attractifs ;
    * Sécurité. Rendre les réseaux plus sûrs pour tous ses utilisateurs, quel que soit le moyen de transport qu’il emprunte.

    Les solutions résulteront de la combinaison de trois politiques :
    * Développer les alternatives ; à pied, à vélo et en transports en commun, en améliorant les infrastructures, la desserte, les fréquences, la qualité de service… ce qui a un coût.
    * Réorganiser le territoire : renforcer les pôles urbains et ruraux en y recentrant les activités et l’habitat.
    * Rouler moins, mieux et autrement ; c’est-à-dire parcourir moins de kilomètres en véhicule individuel, circuler dans un véhicule moins polluant et en adoptant un style de conduite « éco ».

    Au sein du Gouvernement, nous avons travaillé sur les deux premières pistes.
    Sur la troisième piste, la Déclaration de politique régionale prévoit des actions : c’est dans ce cadre que les trois régions (15 ministres régionaux de la fiscalité, de l’environnement, de la mobilité et de l’aménagement du territoire (3)) ont décidé en janvier 2011 de :
    1) introduire le prélèvement kilométrique pour les poids lourds (ce sera pour le 1er janvier 2016). Pour les Belges, ce mécanisme remplace la taxe de circulation et l’Eurovignette. Ce n’est donc pas une taxe supplémentaire pour les Belges.
    2) étudier l’introduction d’une vignette pour les véhicules légers ; Il est juridiquement impossible de ne l’imposer qu’aux étrangers. Autrement dit, pour la faire payer aux étrangers, il faut aussi l’imposer aux Belges, en sus de leur taxe de circulation annuelle. Dès lors, cette piste doit être approfondie.
    3) en concomitance avec la vignette, réformer les taxes de circulation ;
    Un groupe de travail piloté par mon collègue du Budget a été mis sur pied sur ces points 2 et 3 ; je renvoie l'honorable membre vers lui pour de plus amples informations.
    4) tester, via un projet pilote, l’intérêt de la tarification kilométrique pour les véhicules légers dans la zone RER. Comme prévu dans les Déclarations de politique régionale wallonne et bruxelloise, un test « grandeur nature » est en cours.
    Les déplacements de 1200 automobilistes volontaires sont suivis pendant 2 mois. Un coût virtuel – calculé pour représenter un incitant au changement de comportement - est associé à ces déplacements. Le coût fictif au kilomètre (dégressif selon le niveau d’offre alternative – ainsi, une partie de la zone testée est à tarif nul) convenu dans cette étude est surévalué. Le but du test : voir si un tel mécanisme peut changer les comportements et non si le niveau des tarifs est adéquat.
    Ce type de solution est envisagé avec intérêt par Conseil Supérieur des Finances et par le Conseil Economique et Social de Wallonie qui, dans son avis du 25 octobre 2013 (avis n°1149) stipule : « Pour le CESW, seule une application du prélèvement kilométrique généralisée à l’ensemble des usagers de la route susciterait une mobilité plus fluide et plus respectueuse de l’environnement. » La Chambre de commerce de Bruxelles – BECI – envisage appelle elle aussi de ses vœux une solution de ce type aux problèmes de mobilité, qui représentent un coût important pour les entreprises (voir par exemple des déclarations en ce sens dans « Le Vif » du 10 février 2014).

    Je tiens à rappeler que, quels que soient les résultats de l’expérience pilote aujourd’hui menée, la tarification au kilomètre n’est envisageable que moyennant le strict respect des conditions suivantes : 

    1) la tarification au kilomètre ne peut en aucun cas être une surtaxe s’ajoutant à la fiscalité existante ni pénaliser les habitants en fonction du lieu où ils habitent, notamment dans les régions rurales ; 
    2) l’offre alternative à la voiture doit être suffisante et financièrement attractive : RER en service, dessertes locales performantes en transport en commun, ponctualité et offre suffisante à la SNCB, tarifs attractifs pour chaque type d’utilisateur…

    3) les dispositifs doivent offrir des garanties absolues en matière de respect de la vie privée des automobilistes ;

    4) le dispositif devra permettre une plus grande justice fiscale pour éviter de pénaliser celles et ceux qui disposent de revenus plus faibles.

    Ce projet permettra de mieux évaluer les conséquences en matière de mobilité sur les usagers des véhicules légers. Selon le calendrier de l’étude, ce sera aux prochains gouvernements d’en tirer les conclusions. Le Gouvernement wallon n’entend donc pas pénaliser l’activité économique mais au contraire – comme l’appellent de leurs vœux tant le CESW que BECI – contribuer à une solution aux problèmes de mobilité qui pénalisent l’activité économique.



    (1) Source : FEBIAC, 2013. Étude disponible ici http://www.febiac.be/documents_febiac/2013/Etude-PWC/Study_20131022_PwC-Febiac_FR.PDF
    (2) Source : OMS, KUL.
    (3) Soit pour la Région wallonne : R. Demotte (PS), A. Antoine, B Lutgen (suivi par C. Di Antonio) (CDH) et Ph. Henry (Ecolo). Pour la Région bruxelloise : C. Picqué (puis R. Vervoort) (PS), JL Van Raes (puis G Van Hengel) (open VLD), E. Huytebroeck (Ecolo), B. De Lille (Groen) et B. Grouwels (CD&V). Pour la Région flamande : K. Peeters, H. Crevits, J. Schauvliege (CD&V), I. Lieten (SPA), G. Bourgeois et Ph Muyters (N-VA).