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L'impact économique et environnemental de l'importation de soja sur la Wallonie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2019
  • N° : 57 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 19/11/2019
    • de BLANCHART Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Ces dernières années, les débats autour de l'élevage n'ont fait que s'accroître dans notre société. Un des piliers sur lesquels s'axent ces débats, outre le bien-être animal, est celui de l'environnement, soulignant l'importance de rendre nos élevages plus durables. Des agriculteurs, ainsi que des chercheurs de la faculté AgroBioTech de Gembloux, tentent de répondre à cette problématique en proposant de nourrir les porcs et les poulets avec des insectes. Cela aurait des avantages considérables sur l'environnement. Dans un premier temps, cela permettrait d'utiliser différentes matières jamais utilisées pour l'instant afin de nourrir les insectes et, par après, le bétail. Dans un deuxième temps, cela engendrerait une forte diminution de soja pour les besoins du bétail qui pose de grands problèmes environnementaux.

    En effet, la Belgique importerait en moyenne 2,5 millions de tonnes de soja par an, en provenance de zones de déforestations, surtout pour l'alimentation d'animaux d'élevage. En 2017, 2,7 millions d'hectares auraient donc été nécessaires pour cultiver tout le soja importé en Belgique, alors qu'en 2013, ce chiffre était de 1,5 million d'hectares.

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre concernant ce constat ?

    Des mesures permettant de limiter l'utilisation du soja pour nourrir les animaux dans notre Région sont-elles prévues ?

    Pour cela, quelles sont les alternatives existantes au soja dans notre région pour l'alimentation des animaux d'élevage ?

    Des incitants à ces alternatives existent-ils afin de limiter l'utilisation du soja sur notre territoire ?

    Quel impact économique sur la Wallonie représenterait la défection du soja ?

    Des discussions avec le Ministre fédéral de l'Agriculture sont-elles prévues à ce sujet ?
  • Réponse du 06/12/2019
    • de BORSUS Willy
    La question concerne un des points de la Déclaration de politique régionale, qui précise à cet égard que « le Gouvernement fournira un soutien fort aux filières de l’élevage pour garantir l’autonomie fourragère et réduire la dépendance aux importations de soja ».

    L’Union européenne (UE) importe chaque année environ 17 millions de tonnes de protéines brutes, dont 13 millions de tonnes à base de soja, principalement en provenance du Brésil, des USA, d’Argentine et du Canada. Le marché de l’alimentation des animaux constitue de loin la principale utilisation de ces importations de soja. Le taux d’autosuffisance de l’UE varie selon les sources d’approvisionnement de protéines : 79 % pour le colza, 42 % pour le tournesol et seulement 5 % pour le soja. Dans ce contexte, l’UE a présenté en décembre 2018 un Plan Protéines visant à mettre en place une stratégie pour diminuer sa dépendance vis-à-vis des protéines végétales importées, notamment via le soutien des cultures d’oléagineux (colza, soja, tournesol, lin), de protéagineux (pois, féveroles, lupin, haricots, lentilles) et de légumineuses fourragères (luzerne, trèfle, sainfoin). Les aides accordées dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), comme les aides directes ou les mesures agroenvironnementales, constituent des outils intéressants pour soutenir les agriculteurs produisant des protéines végétales. Au niveau de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), il existe cependant des accords bilatéraux (UE-USA) et multilatéraux (MERCOSUR, CETA...) qui contraignent l'UE à importer des oléoprotéagineux « à faible coût » (droits de douane réduits).

    En 2018, la Belgique a importé 1 176 000 tonnes de tourteaux de soja et 678 000 tonnes de graines de soja. Ces importations sont surtout destinées à l’alimentation des monogastriques (porcs et volailles), le soja constituant une excellente source de protéines bien équilibrée en acides aminés. Il est à noter que l’impact des importations de soja est moindre en Wallonie qui compte une grande surface consacrée aux cultures fourragères et qui ne détient respectivement que 6 % et 16 % du cheptel porcin et avicole national.

    Depuis plusieurs années, la Wallonie soutient des initiatives visant à promouvoir l’autonomie protéique et fourragère au sein des exploitations, et par conséquent à limiter les importations de soja. Différentes sources locales d’approvisionnement en protéines sont ainsi encouragées telles que l’herbe, la luzerne et les légumineuses fourragères qui fournissent des protéines pour les ruminants, les tourteaux d'oléagineux, dont ceux de colza et de lin, ainsi que les protéagineux (pois, féverole, lupin). C’est dans ce contexte que, depuis plusieurs dizaines d’années, la Wallonie apporte un soutien financier aux centres-pilotes qui réalisent des missions d’encadrement et de vulgarisation auprès des agriculteurs. Il s’agit notamment du Centre-Pilote Fourrages Mieux, du Centre-Pilote Maïs et du Centre-Pilote des Céréales et des Oléoprotéagineux (CePiCOP).

    Depuis quelques années, des expérimentations sont menées en vue d’implanter la culture du soja en Wallonie. Jusqu’à présent, les performances agronomiques observées sont variables et instables. Il y a lieu de soutenir les efforts de recherche afin de développer des itinéraires agronomiques permettant d’améliorer la rentabilité de la culture.

    En mai 2018, le Collège des Producteurs a présenté un Plan de développement des protéines végétales en Wallonie à l’horizon 2030, dont un des objectifs est de développer une production de 15 000 hectares de protéagineux avec un soutien à la production. Les autres axes du plan sont les suivants : le renforcement de la recherche, la promotion des protéines végétales produites en Wallonie, l’assurance d’un dispositif de partage du risque au travers de la PAC, l’assurance de la disponibilité et de l’accès à des services d’encadrement indépendants, ainsi qu’à des services de facilitation des relations de filières entre les producteurs et les transformateurs.

    En matière de recherche et d’innovation, le Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-w) développe un plan Autonomie protéique qui porte surtout sur l’autonomie en protéines chez les ruminants, via notamment l’optimisation du pâturage, l’amélioration de la production, de la récolte et de la conservation de fourrages riches en protéines et le recours à de nouvelles sources de protéines.

    Mon Administration assure aussi le suivi de plusieurs projets de recherche plus spécifiques menés par des institutions universitaires, par exemple le projet visant à produire des graines riches en protéines en optimisant la conduite de la culture associée de pois protéagineux d'hiver et de froment d'hiver ainsi que le projet « Feverpro » qui contribue au développement d’une filière féverole wallonne durable, par la mise en œuvre des itinéraires agronomiques innovants.

    Différentes pistes peuvent être envisagées pour réduire les importations de soja : le recours à de nouvelles sources de protéines, l’amélioration de la production et de la conservation des aliments riches en protéines, la limitation des pertes lors de la récolte ou de la conservation, l’amélioration de l’efficience alimentaire, l’optimalisation des rations…

    C’est ainsi que des essais en nutrition animale avec des régimes moins riches en protéines sont actuellement menés pour les porcs et les volailles, avec de bons résultats (moins de gaspillage, moins de rejets azotés, moindre pollution de l'environnement).

    Des études préliminaires sont menées concernant l’élevage d’insectes à partir de déchets organiques comme alternative à l’alimentation protéique des monogastriques et des poissons. Il s’agit d’une piste à soutenir.