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La pollution de l'Escaut suite à la rupture d'une digue à la sucrerie française Tereos

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 206 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 30/04/2020
    • de AGACHE Laurent
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Le 20 avril dernier, une grave pollution dans l'Escaut, provoquant une très importante mortalité dans la faune du fleuve, a été constatée par les agents du SPW de Tournai.

    La chronologie des événements peut être retracée comme suit :
    - le 10 avril, la rupture d'une digue d'un bassin de décantation à la sucrerie Tereos située à Escaudœuvres, en France, près de la Ville de Cambrai a engendré le déversement d'environ 100 000 m³ d'eau contenant des éléments organiques d'origine végétale (en l'occurrence, l'eau de lavage des betteraves) vers la rivière voisine de l'Escaut. La cause de la rupture de digue n'est pas encore connue à ce jour ;
    - dans les jours qui suivent, les constats de poissons morts dans l'Escaut s'enchaînent, en aval d'Escaudœuvres : dès le 12 avril à Denain, puis le 15 avril à Valenciennes, ensuite le 19 avril à Fresnes-sur-Escaut et enfin le 20 avril en Belgique, à Antoing ;
    - le15 avril : un communiqué de presse de l'Office français de biodiversité (OFB) confirme « qu'une enquête judiciaire relative à des faits de pollution des eaux superficielles a été ouverte par les inspecteurs de l'environnement sous l'autorité du Procureur de la République de Cambrai » ;
    - d'après nos informations, sur base de ce communiqué de presse de l'Office français de la biodiversité (OFB), la Région bruxelloise (dès le 16 avril) et la Flandre, membres, comme la Région wallonne, de la Commission internationale de l'Escaut (CIE), ont demandé un complément d'information à cette commission, conformément au dispositif SAAE (système d'avertissement et d'alerte contre les pollutions accidentelles de l'Escaut ) mis en place en 2012.
    La Wallonie aurait fait cette demande un peu plus tard (aux alentours du 20 avril) ;
    - Tereos ne communique sur l'accident à l'origine de la pollution, via son site web, que le 23 avril, après la médiatisation de la pollution en Belgique.

    Tereos est une coopérative de 12 000 agriculteurs betteraviers français, qui, depuis une plus de 20 ans, poursuit une politique d'expansion et d'acquisition en France et à l'international, qui en fait aujourd'hui le 3e producteur mondial de sucre. Son chiffre d'affaires annuel est de près de 5 milliards d'euros, il emploie 25 000 personnes et possède près de 50 sites industriels à travers le monde.

    Un précédent incident, de moindre importance, dans un autre bassin de décantation dépendant de la même sucrerie a eu lieu le 19 février dernier : des suintements le long des digues déversant des eaux de lavage de betterave polluées dans la rivière « La Rasse », petit affluent de l'Escaut, sont constatés. Tereos réalise en urgence un fossé pour capter ces eaux de ruissellement et les renvoyer dans le bassin de décantation.

    Après ce rappel des faits, mes questions sont les suivantes.

    Concernant la pollution proprement dite, qu'a mis Madame la Ministre en œuvre pour sauver ce qui peut encore l'être de la faune de l'Escaut ?

    Quelles mesures met-elle en place pour reconstituer la biodiversité dans l'Escaut ?

    Deux problèmes de stabilité de digue ont été constatés cette année dans les bassins de décantation de cette sucrerie du groupe Tereos. D'une manière générale, a-t-elle des informations sur l'état de stabilité des autres (et nombreux) bassins de décantation qui jalonnent les cours d'eau wallons et les parties en amont situées hors de nos frontières ?

    Existe-t-il un dispositif rigoureux de suivi périodique de ces bassins ?

    Concernant les suites juridiques du dossier, compte-t-elle lancer une action en justice contre le groupe Tereos ?

    Dans l'affirmative, se joindra-t-elle à l'action menée auprès du Procureur de la République de Cambrai ou envisage-t-elle une action devant les tribunaux belges ?

    Sur le fonctionnement de la CIE, confirme-t-elle que des demandes d'information ont été formulées par les trois régions du pays, auprès de cette commission ?

    Comment analyse-t-elle le manque manifeste d'efficience du dispositif d'alerte (SAAE) et que propose-t-elle pour en améliorer le fonctionnement et l'efficacité ?
  • Réponse du 25/09/2020
    • de TELLIER Céline
    Le 20 avril dernier au matin, le SPW a été informé par les sondes de son réseau de surveillance d'un taux d'oxygène dans l'Escaut particulièrement faible.

    Dans le même temps, les agents de garde SOS Nature-Environnement et du Département de la nature et des forêts (DNF) ont été alertés par de nombreux appels de riverains du fleuve. Les agents se sont rendus immédiatement sur place et ont pu constater la présence extrêmement importante de poissons morts à la surface du fleuve. La Wallonie a immédiatement prévenu ses homologues en Flandre de l'imminence de la pollution.

    Il est confirmé que cette mortalité sans précédent trouve sa cause dans une pollution organique en provenance de France, qui a privé l’aval du fleuve d'oxygène.

    Les contacts ont été menés avec la France pour comprendre pourquoi la procédure d'alerte existante n'a pas été déclenchée dans le cadre de cette pollution survenue sur son territoire.

    En termes de pollution, le constat est sans appel : la faune présente sur les 36 km d'Escaut wallon a été presque totalement détruite par asphyxie.

    50 à 100 tonnes de poissons ont été décimées par cette catastrophe écologique, dont certaines espèces étaient en pleine période de reproduction et certaines sont protégées. L’ensemble des espèces non piscicoles vivant dans l’Escaut ou dépendantes de ses ressources alimentaires (crustacés, mollusques, libellules, oiseaux…) a plausiblement été pleinement impacté par la pollution.

    Les évaluations exhaustives des différents dommages sont en cours et elles s’étaleront sur plusieurs semaines.

    En matière d’intervention, très peu de solutions étaient encore envisageables vu l’avancée de la pollution sur le territoire wallon. Des pompiers équipés de leurs pompes ont toutefois permis d'oxygéner le fleuve à quelques endroits stratégiques. De même, le SPW Mobilité et Infrastructures a placé temporairement plusieurs aérateurs à d'autres endroits.

    De son côté, avec l'aide du Contrat de rivière Escaut-Lys et de nombreux bénévoles, le service de la pêche du SPW a pu sauver environ une tonne de poissons, principalement à hauteur du barrage d'Hérinnes et du canal de l'Espierres. Les agents de ce service ont également apporté leur aide à leurs homologues flamands pour sauver plus de 6 tonnes de poissons qui ont été transférés dans des annexes de l'Escaut suffisamment oxygénées.

    Par la suite, le SPW Mobilité et Infrastructures a également entrepris de faire retirer du fleuve et évacuer le maximum de poissons morts afin d’éviter les inconvénients supplémentaires liés à leur décomposition.

    Ayant disposé de plus de temps pour s’organiser, la Flandre a pu mettre en place un dispositif exceptionnel reposant sur un déploiement massif d’aérateurs et sur une injection d’oxygène pur dans l'eau du fleuve qui a permis de sauver plus de 90 % de la faune sur son territoire.

    Le SPW estime qu'il faudra plusieurs années pour que l'Escaut wallon recouvre une situation similaire à celle d'avant la catastrophe. En particulier, les autorités wallonnes surveillent de près l'évolution de la biomasse au sein de la partie wallonne de l'Escaut et mettront tout en œuvre pour permettre la restauration de celle-ci dans les meilleurs délais.

    Les derniers prélèvements effectués dans l'Escaut démontrent par ailleurs que le niveau d'oxygène est rapidement revenu à des valeurs acceptables.

    Un procès-verbal a été dressé par le SPW puis envoyé au Parquet de Charleroi.

    À ce sujet, une enquête pénale est initiée en France ainsi qu’en Belgique en vue d’aboutir par le biais de l’entraide judiciaire à un seul procès sur le plan pénal.

    S’agissant d’une affaire en cours sous le secret de l’instruction, il n’est pas possible de communiquer davantage de détails à ce stade étant donné que la révélation de certains éléments de l’enquête pourrait l’invalider.

    Il appartient à présent à la justice de faire toute la lumière sur cette catastrophe.

    En ce qui concerne le régime de la responsabilité environnementale, s’agissant d’un dommage provoqué par un opérateur à l’étranger, il revient aux autorités françaises d’activer la procédure et à la Région wallonne de collaborer avec les autorités françaises.

    D’ores et déjà, des contacts ont été établis avec mon homologue français afin de mener à bien les différentes actions permettant d’obtenir réparation des dommages causés en espèces. Les services compétents du SPW ARNE et de la France collaborent dans ce sens.

    En ce qui concerne les contrôles des entreprises localisées en France, il appartient aux services de contrôles français de les initier.
    Pour ce qui est de la Commission internationale de l’Escaut et l’efficience de son Système d’Avertissement et d’Alerte, des réunions et des enquêtes sont menées par les experts de ladite commission.

    Aussi, des échanges bilatéraux entre les fonctionnaires de la Région des Hauts de France et ceux de la Région wallonne ont été pris pour faire toute la lumière sur la succession des évènements pour mieux comprendre et ainsi améliorer les échanges entre pays en cas de pollution.